mercredi 21 avril 2010

Sentence de noblesse pour servir Jan Blanchart, 1585

Document inédit sur la famille de Jeanne d’Arc, Henri Morel.

A tous ceulx qui ces présentes lettres verront, Pierre de Sommiaire, chevalier, seigneur et viconte de Lignon, gentilhomme ordinaire de la Chambre du Roy, lieutenant des gardes de Sa Majesté, conseillier dudict sieur bailly et capitaine de Victry le françois. Comme le procureur du Roy en ce bailliage eust faict procéder par exécution sur Pierre Pencheron, sergent royal au bailliage dudict Victry, pour la somme de deux solz six deniers tournois par luy deue au Roy à sa recepte ordinaire audict Victry pour le droict de jurée et bourgeoisie, du terme de Sainct André mil cinq cens quatre vingtz et deux, à quoy il sestoit opposé, requeroit qu'il eust à desduire ses causes d'opposition et quil fut dict que par provision l'exécution commencée soit parachevée, et encores que ledict Pencheron fust condampné à continuer à l'advenir le payement dudict droict par chacun an comme bourgeois dudict seigneur. Ce qui auroit esté empesché par ledict Pencheron, et avec lequel prudent homme, maistre Julles Cezar Lebesgue, conseiller et advocat dudict seigneur au bailliage et siège présidial dudict Victry, Pierre Braulx à cause de damoiselle Charlotte Lebesgue sa femme demourant à. Chaalons, Estienne Leglayve, Estienne Marguyn, Jan Pencheron, marchantz demourans audict Victry, Jan Blanchart, sergent royal audict bailliage en leurs noms, Jan Doumenge, à cause de Janne Marguyn sa femme, Claude Chevalier, aussy marchant demourant audict Victry au nom que comme tuteur des enffans dee luy et de feue Loyse Marguyn jadis sa femme, prudent homme maistre Jan Deschamps, lieutenant au siège de la prévosté dudict Victry et maistre Estienne Lefebvre, l'un des esleuz en l'élection de Chaalons, se seraient joinctz et remonstré ensemblement que ledict Pencheron et eulx estoient nobles personnes venuz et abstraictz de noble lignée et génération, à ce moien francs, quictes et exemptz dudict droict de jurée et bourgeoisie, tant pour les causes cy dessus que autres par eulx verbalement deduittes.

 
Et après que ledict procureur du Roy eust dict quil n'estoit d'accord desdictz faictz mais les dénioit purement et absolument, aurions ordonné que lesdictz opposantz et joinctz bailleroient leurs faictz de deffences et généalogie. A quoy ils auroient satisfaict et par iceluy dict les conclusions dudict demandeur présupposées qu'ilz ne vouloient pas dénier, mais confessaient que au Roy nostre seigneur apartenoit ung droict de jurée qui estoit tel que tous et chacun les demourans au dedans de la prévosté dudict Victry s'ilz n' estoient nobles, clercs ou de servile condition, estoient tenuz et reputez bourgeois du Roy nostre seigneur, et comme telz tenuz de payer par chacun an à sa recepte de Victry au jour Sainct André la somme de deux solz six deniers tournois. Et d'autant que ce droict de bourgeoisie ne se prenoit et recevoit pas indifféremment sur tous pour l'exception des dictz nobles, clercs et gens de main morte, l'on avoit de tout temps accoustumé de faire ung roole ou registre en chacun village de tous lesdictz bourgeois, sur lesquelz les receveurs du domaine ou leurs commis donnoient leurs contraintes contre les y denommez et non sur aultres. Mais ceste façon de faire ayant esté délaissée par quelques années par la malice de ceux qui avaient prins la ferme de ladicte jurée et bourgeoisie, lesdictz commis s'estaient indifféremment et sans distinction d'estat et qualité addressez à telles personnes que bon leur auroit semblé pour les contraindre à payer ledict droict, encores que par le moien de leur noblesse ilz en fussent exemptz. Le deffendeur avoit esté de ce nombre, car encorees que ses prédécesseurs eussent comme nobles, francs et exemptz dudict droict et que sy aulcuns d’eulx avoient estés poursuiviz pour le payer ilz en avoient esté envoiez quictes et absoulz, touteffois ledict procureur du Roy susité d'ailleurs l'avoit faict convenir par devant nous et contre luy prins les conclusions susdictes. Ce qu'estant venu à la congnoissance dudict Lebesgue, Marguyn, Blanchart et aultres cy dessus èsdictz noms, et que par ce moien leur estat et condition noble estoit révocqué en doubte et que le jugement qui interviendroit contre le deffendeur seroit préjudiciable à eulx et leur postérité, ilz se seroient joinctz avec ledict deffendeur et disoient que ledict droict de jurée ne s'estoit oncques prins que sur lesdicts bourgeois et non sur les nobles, et par la coustume généralle de Champaigne qui avait esté jusques icy inviolablement gardée tant en nostre bailliage qu'en toute ladicte province, pour estre noble et joyr des previleges, franchises et immunitez qui estaient attribuez aux nobles, il suffisait estre issu de père et mère nobles ou de l'un d'eulx de ladicte qualité noble. Les deffendeur et joinctz estoient de ladicte condition et en conséquence de ce, ledict demandeur se trouveroit mal fondé en sa poursuitte et conclusions.


Et pour le monstrer disoient que toutes les histoires de la France rendoient tesmoinage des grands et recommendables services qui furent faictz à la couronne de France par Janne d'Arc appellée la Pucelle, en recongnoissance desquelz, oultre la vertu de laquelle elle estoit annoblie, le Roy Charles septiesme l'annoblit et tous ceulx de la parenté lors vivants tant en ligne masculine que féminine. Lesdictz historiens nous enseignoient que le père cle ladicte Janne se nommoit Jacques d'Arc, que sa femme nommée Isabeau ou Isabelot de Voulthon eust pour enffans ladicte Janne, messire Pierre d'Arc dict du Lys, chevalier, Jan d'Arc dict du Lys, prévost de Vaucouleur et Jacquemin d'Arc. Ladicte Isabeau ou Isabelot, mère de ladicte Janne avait ung frère germain nommé Jan de Voulthon, lequel estoit joinct par mariage avec une, nommée Margueritte Conil demourant à Sermaizes et eust pour enffans Person, Nicolas, Perinet et Mengotte les de Voulthons. Nicolas qui fut religieux profex en l'abbaye de Cheminon, fut appellé par ladicte Janne la Pucelle sa cousine germaine, pour la suyvre en toutes ses expéditions et voiages qu'elle faisoit, luy servant d'aumosnier ou chapelain. Ne faisoient lesdictz deffendcur et joinctz mention desdictz Person et Perinet, les de Voulthons pour ce quil n'estoit question de leurs descendantz, disoient seullement qu'ilz avoient esté recongnuz par ladicte Janne et par lesdictz messire Pierre et Jan du Lis ses frères pour leurs cousins germains et par plusieurs fois esté visité par eulx audict lieu de Sermaizes où ils demouroient ainsy que les deffendeur et jointz feroient apparoir par atestations authenticques et anticques. Mais quand à ladicte Mengotte de Voulthon, cousine germaine de ladicte Janne, elle fut mariée avec ung nommé Pierre de Perthes demourant à Faveresses duquel elle eust entre aultres enffans Collot de Perthes, escuyer, homme d'arme des ordonnances dudiçt seigneur soubs la charge du seigneur d'Azillières, lequel Collot de Perthes print à femme damoiselle Janne Deschiens et de ce mariage serait entre aultres enffans sortie Margueritte de Perthes qui eust pour mari Claude Marguyn filz de Collot Marguyn et de damoiselle Margueritte Drouet, seigneur et dame de Lignon en partie qui estoient nobles personnes. Lesdictz Claude Marguyn et Margueritte de Perthes eurent de leur mariage entre aultres enffans Estienne, Symon, Jacquette et Didière les Marguyns. Ledict Symon eust à femme Claudine de Mutigny et de leur mariage sont issus Nicolas et Janne les Marguyns. Lequel Nicolas fut allié avec Margueritte de Sainct Rémy dont estoient sortiz Estienne Marguyn l'un desdictz joinctz, Loyse, Janne et Noe(l) les Marguins. Lequel Estienne Marguyn avoit eu de Claude Bellement, sa femme en secondes nopces, Estienne et Élizabeth les Marguins.

Ladicte Loyse Marguin avoit esté alliée par mariage avec Claude Chevalier duquel elle avait eue Janne, Marie, Philippes, Loyse et Claude les Chevaliers. Ladicte Janne, fille dudict Nicolas Marguyn, estoit mariée avec Jan Dommenge duquel elle avoit une fille nommée Claude. Et quand à ladicte Janne Marguyn, fille dudict Symon Marguyn, elle avoit esté conjoincte par mariage avec Jullien Pencheron, dont estoient sortiz et issuz entre aultres enffans ledict Pierre Pencheran deffendeur. Lequel Jan (sic) Pencheron estoit allié avec Jacquette Michel et d'elle estoient descenduz Jan, Janne, Charlotte et Marie les Pencherons. Au regard dudict Estienne Marguyn, filz dudict Claude Marguyn et de Margueritte de Perthes, il fut conjoinct par mariage avec Margueritte Jacobé, de laquelle y eust quatre enffans sçavoir damoiselle Mengotte, Loyse, Janne et Jacques les Marguyns. Laquelle damoiselle Mengotte eust pour premier mari maistre Charles Gervaisot, seigneur de la Follie en partie et estant passée en secondes nopces avec maistre Philbert Leglaive, conseiller dudict seigneur et lieutenant criminel au balliage dudict Victry, elle avoit eu trois enffans sçavoir Estienne, Marie et Suzanne. Lequel Estienne avoit prins à femme Margueritte Leconvers et de leur mariage y avoit trois enffans nommez Philbert, Estienne et Margueritte Leglaive. Et quand à ladicte damoiselle Loyse Marguyn, elle fut conjoincte par mariage avec Michel Lebesgue, sieur de Vaulx en partie, maistre du Val de Sainct Didier, duquel mariage estoient sortiz damoiselle Charlotte Lebesgue et ledict maistre Julles Cezar Lebesgue l'un desdictz joinctz. Laquelle damoiselle Charlotte Lebesgue avoit pour mari noble homme Pierre Braux, bourgeois de Chaalons aussy l'un desdictz joinctz, dont elle avoit trois enffans nommez Michel, Nicolas et Margueritte Braux. Ledict Lebesgue joinct estoit conjoinct par mariage avec damoiselle Renée Petit filz (sic) de feu noble homme Loys Petit luy vivant maistre du Val de Sainct Dizier, cappitaine et superintendant des gardes des chasses ès bailliages dudict Victry et Chaulmont, de laquelle il avoit pour enffans Michel, Marie et François Lebesgues. Laquelle damoiselle Janne Marguyn, fille dudict Estienne eust en premières nopces Jan Lefebvre, docteur en médecine, dont seroit sorty maistre Estienne Lefebvre, l'un des esleus en l'élection de Chaalons, estant marié avec damoiselle Janne d'Aoust, avoit pour enffans Jan, Marie et Margueritte les Lefebvre.

Quand à Jacquette Marguyn, fille dudict Claude Marguyn et Margueritte de Perthes, elle fut alliée par mariage avec Jan Gallet demourant à Escrienne, dont entre aultres enffans serait sortie Janne à présent femme de Clément Blanchart demourant à Tournay qui estoient les père et mère dudict Jan Blanchart, l'un desdictz joinctz. Avoit ledict Blanchart prins à femme Barbe Jacobé de laquelle estoient descenduz Marie, Janne, Jan et Margueritte les Blanchartz. Et au regard de ladicte Didière Marguyn fille desdictz Claudé Marguyn et Margueritte de Perthes, elle fut alliée par mariage avec Jan Gallet du village de Larzicourt dont estoit sortie Fanchette Gallet, laquelle mariée avec Jan Deschamps du village de Blacy, avait eu entre aultres enffans maistre Jan Deschamps, l'un desdictz joinctz, duquel et de Nicole Roussel sa femme estaient sortiz Anne, Margueritte, Janne, Jan et Renée les Deschamps.

Par la déduction de ladicte généalogie apparoissoit que lesdictz deffendeur et joinctz estoient nobles personnes nez et issuz de noble lignée, telz tenuz et reputez au pays de Perthois par ceux qui avoient congnoissance d'eux et de leur parenté, et sy estaient sortiz et descenduz dudict Jan de Voulthon, frère de ladicte Isabeau mère de ladicte Janne. Et puisque ledict seigneur Roy Charles septiesme avoit voulu tant favoriser ladicte Janne pour rescompenses de ses services que, non seulement il l'avoit annoblie, mais tous ceux de sa parenté tant en ligne masculine que féminine et ceulx qui descendroient d'eulx, tant en ligne masculine que féminine, ce qui avoit esté confirmé par les prédécesseurs Roys, mesme par le feu Roy Henry second soustenoient qu'à tort ledict sieur procureur du Roy avoit faict appeller ledict deffendeur en justice pour le contraindre à paier ledict droict de jurée et bourgeoisie qui ne se payoit que par les non nobles et que à bonne et juste cause ledict deffendeur avoit empesché ses conclusions, desquelles pour ces causes et aultres que mieux sçaurions suppléer de droict, seroient lesdictz deffendeur el joinctz renvoiez absoubs et par nous ordonné que comme nobles ils seroient francs et exemptz dudict droict de bourgeoisie et jurée et comme telz seraient raiez du role d'icelle bourgeoisie sy aulcun se trouvoit auquel ils soient dénommez : offroient prouver les faictz cy dessus tant par lettres que tesmoingz. Suyvant ce lesdictz deffendeur et joinctz avoient faict ouyr plusieurs tesmoings en leur enqueste qui est par nous receue le quinziesme jour d'octobre mil cinq cens quatre vingtz et quatre, et ordonné que ledict procureur du Roy demandeur auroit noms et surnoms des tesmoings oyz en ladicte enqueste pour y bailler reproches à la quinzaine, à laquelle ou autre jour suyvant escheant le dixseptiesme decembre ou dcti et an mil cinq cens quatre vingtz et quatre ledict demandeur eust esté forclos desdictes reproches. Ce faict lesdictz deffendeur et joinctz auraient fourniz de leur production litéralle et icelle mise ès mains dudict demandeur pour la contredire.

A quoy ledict demandeur auroit satisfaict et fourny de ses contredictz à la dicte production et par iceux entre aultres choses dict : que ores que le feu Roy Charles septiesme eust baillé ledict affranchissement et noblesse aux dénommez en une coppie extraicte à l'original de certaines lettres patentes en forme de chartres et déclarations données à Melun au mois de décembre mil quatre cens vingt neuf sur l'annoblissement de Janne la Pucelle et sa parenté, tant en ligne masculine que féminine, qui n'avait pas esté extraicte avec luy par vertu de nos lettres de commission, ce qui se debvoit faire pour valloir en ceste présente cause. Ce avoit esté par la cause y exprimée et du vivant de ladicte Janne pendent le temps de ses vertuz et prouesses, mais les histoires nous monstrent comme sa fin n'avoit couronné le commencement de ses œuvres héroïques, ce qui faisoit doubler sy ledict feu Roy Charles septiesme avait persévéré en ceste mesme intention ou s'il y avoit révocation, dumoings ; quelque restrinction ou limitation, soit des lignes ou parenté de ladicte Janne soit du temps, dont ledict demandeur s'entendait informer plus amplement en la Cour des aydes, Chambre des comptes et ailleurs qu'il verroit bon estre. N'estoit vray semblable que ledict previlège en son amplitude eust esté effectué, car s'estoit le tirer à l'infinit y ayant ung nombre admirable d'hommes ès bailliages de Chaumont, Troyes, Langres et Victry, de ceux qui estoient descenduz des parentz susdictz, dont l'on pouroit composer ung petit monde duquel il conviendroit aster les tailles ordinaires du Roy et droict de jurée, et en tous cas tel previlege estoit pour ceux qui portoient les armes pour le service du Roy et vivoient noblement sans s'immisser en actes de roture comme faisaient et avoient tousjours faict lesdictz deffendeur et joinctz, sans avoir oncques eu ny obtenuz sur ce lettres du Roy pour en estre relevez et, pour ung poinct péremptoire, tel previlege sy célèbre et précieux s'estoit deu confirmer de Roy en Roy, ce qui n'avoit esté faict, et par ainsy il ne pouvait et ne debvoit estre effectué sy non à J'égard de ceux qui avoient esté nez du règne dudict feu Roy Charles septiesme.

Or Claude Marguyn, bisayeul descdictz deffendeur et joinctz, n'avoit esté né, tant s'en failloit qu'il eust esté marié avec Margueritte de Perthes prétendu venue de la race de ladicte Janne la Pucelle, que plus de cent ans après, qui faisoit qui demouroient excluz dudict previllège. Bref on ne voioit ès prévostez de Vaucouleur ny aultres lieux de la naissance de ladicte Janne la Pucelle que ledict previlege fust effectué, mais de long temps ensepvely et venoient lesdictz deffendeur et joinctz à tard pour le ressuciter s'ilz n'avoient autres lettres du Roy à present régnant. Constat par ce propos que lesdictz deffendeur et joinctz n'avoient aultre moyen pour monter à l'exemption de droict de jurée, et gradulum au tiltre des nobles vivants noblement, synon par celluy de question de ladicte Pucelle, or leur dicte production ny estoit suffisante, signanlment (sic) pour mancquer èsdictes reprinses et confirmations faictes par les principaulx de la ligne et parenté de ladicte Janne successivement et par l'advenue des Roys à la Couronne de France après ledict Roy Charles septiesme duquel ledict previlège avoit esté premièrement impétré.

Que sy lesdictz deffendeur et joinctz disoient que pour le présent ils n'aspiroient qu'à une exemption de jurée, et par après ilz se pourvoiroient pour leur noblesse, respondoit ledict demandeur qu'ilz procedoient ordine prepostero et qu'ilz debvoient premièrement faire aparoir de leur noblesse, par vertu de laquelle ilz debvoient estre declarez exemptz dudict droict de jurée dont est question. Car en ce bailliage n'y avoit que quatre qualitez. La première estoit des clercs et gens d'église, la seconde de noblesse, la tierce de bourgeois du Roy qui estoient ceulx qui payoient ledict droict de jurée, la quarte et dernière des serfs et mainmortables envers les seigneurs d'aultres justice(s). Tellement que lesdictz deffendeur et joinctz, qui n'estoient d'église et mainmortables, estoient censez et repputez bourgeois et par conséquent tenuz du droict de bourgeoisie s'ilz ne se monstroient nobles, qui estoit aussy leur vraye et principalle intention audict présent procès et la seulle fin à laquelle ilz avoient produit. N'y avoit doncques apparence de les juger nobles par leur dicte production pour les causes susdictes, et en considération de ce que telle noblesse que celle qui estoit signifiée par ladicte chartre et qu'ilz prétendoient par vertu d'icelle estoit des plus belles dignitez de ce royaulme. Il estoit notoire que leur preuve alio fortiori maiorique egit adminiculo sans lequel ilz debvoient demourer en leur condition de bourgeois du Roy et continuer ledict droict de jurée, ce que ledict demandeur emploioit contre les pièces produictes par lesdictz deffendeur et joinctz, adjoustant que c'estoient déclarations de personnes privées qui ne pouvoienl faire foy en leur négoce et promet sy remarquable que celle qui se présente, ny pour eulx ny pour leur postérité dont se disoient lesdictz deffendeur et joinctz. Et pour ce concluoit ledict demandeur ad ce que, sans avoir égard à ladicte production, l'exécution commencée soit parachevée sur lesdictz deffendeur et joinctz, eux condampnez à payer et continuer ledict droict de bourgeoisie au Roy nostre seigneur, payer les arrérages s'aulcuns estoieut deubz et que comme ses bourgeois ils soient registrez au registre de la bourgeoisie, nonobstant chose par eulx dicte ou proposée au contraire dont ilz soient debouttez.


Ausquelz contredictz lesdictz deffendeur et joinctz auroient fourny de salvations et par iceux dict que combien que iceulx deffendeur et joinctz ny aulcuns de leur parenté n'eussent esté cottidez au droit de jurée ny poursuiviz en jugement ou dehors pour le payer, mais qu'ilz et leurs prédécesseurs eussent tous jours esté tenuz francs dudict droict et exemptz des prestations que les non nobles ont accoustumé de payer, sy est ce qu'à la suscitation d'aulcuns qui avoient defferé ledict deffendeur envers ledict demandeur, l'avoit ledict demandeur sans occasion légitime faict adjourner pour payer ledict droict de jurée, ce qui avoit meu les joinctz d'intervenir en la cause avec luy pour tous ensembles monstrer par chartres et tiltres authenticques et par tesmoings des plus anciens du pays, que à tort ledict demandeur les vouloit contraindre de payer ledict droict duquel ilz estoient affranchiz. Pour y parvenir avoient dict que Janne d'Arc dicte la Pucelle ayant par ses vertus et faictz heroïcques faict voller son nom par toute la France et faict tant d'actes qui la rendaient recommendable entre les plus grandz dudict feu Roy Charles septiesme, l'auroit en recongnoissance de tant de bons offices et mérites annoblye et non seullement elle avec ses père et mère et frères, mais aussy toute sa parenté et linage tant masculine que féminine veoir toute leur postérité, née et a naistre, que lesdictz deffendeur et joinctz estoient issuz de la famille et des plus proches parents de ladicte Janne, c'est assavoir de Jan de Vou1thon, frère de Isabel, mère de ladicte Janne, en conséquence de quoy ilz debvoient joyr dudict previlège et affranchissement. Et bien que lesdictz deffendeur et joinctz eussent suffisamment monstré par tesmoings non reprochez comme ils estaient descenduz de feu Claude Marguyn, luy vivant escuyer, et de damoiselle Margueritte de Perthes qui fut fille de Collot de Perthes, filz de Pierre de Perthes et de Mengotte de Voulthon, fille dudict Jan de Voulthon, oncle maternel de ladicte Janne d'Arc dicte la Pucelle, sy avoient ilz voulu fortiffier leur preuve vocalle de coppie deuement extraicte de la chartre dudict annoblissement et de plusieurs atestations, l'anticquité desquelles ne permectoit pas qu'elles puissent estre contredictes. Touteffois, comme le procès avoit esté entrepris par ledict demandeur sans aulcun fondement de raison, mais seullement pour travailler lesdictz deffendeur et joinctz en fraiz et révocquer en doubte ce que ceulx qui l'avoient préceddé en charge avaient tenu pour véritable, ferme et constant, c'est assavoir que lesditz deffendeur et joinctz et leurs prédécesseurs avoient ilz des previlèges de noblesse, quoy que soit droict de jurée que les non nobles payoient. Aussy s'estoit il sans raison efforcé de contredire lesdictz tiltres, mais il ne proposoit soubz condition aulcun faict considérable qui peust oster la force de ladicte production. .

Il disoit, en premier lieu, que la coppie de ladicte chartre n'avoit pas esté extraicte avec luy en vertu de nos lettres de commission, qu'estions juge de la cause, mais on luy respondoit que bien que soions juge des parties, sy est ce que nostre jurisdiction ne s'extendoit pas pour pouvoir contraindre les officiers en la Chambre des comptes d'exhiber les chartres et tiltres, qui estoient au trésor de ladicte Chambre, pour en prandre extraitz. C’estoit chose usitée en ladicte Chambre et qui s'estoit de tout temps praticquée, que ceulx qui avoient affaire de quelque(s) extraictz en ladicte Chambre estoient tenuz en présenter requeste et, sur le décret et permission, prandre les extraictz qui faisoient foy partout sans qu'il fust besoin d'appeler ceulx contre lesquelz l'on se vouloit ayder de tels extraictz. Ledict Lebesgue ayant charge de ses consors avoit suivy ceste voye, présenté requeste à ladicte Chambre, par décret de laquelle du vingt-quatriesme de janvier mil cinq cens quatre vingtz et quatre, il luy avoit esté permis lever ledict extraict signé du greffier de ladicte Chambre, lequel partant comme tiré du trésor publicq des chartres, debvoit estre receu et faire plaine foy.

Le demandeur passant oultre, disoit que ledict affranchissement avoit esté donné en considération des prouesses de ladicte Janne, laquelle n'ayant continué, avait esté ingnominieusement exécutée, il y avoit il doubter si le Roy Charles avoit continué en ceste volonté ou s'il y a voit eu révocation, ou restrinction dont il se voulloit informer.

Mais ce doubte n'estait pas considérable, car encores que ladicte Janne faisant service à Sa Majesté eust esté prinse par ses ennemys, et comme les batailles et rencontres estoient jounalières et ne réussissoient tous jours au proffict des plus généreux et vertueux, et que par envie elle eust par sentence de l'évesque de Beauvais du vingt quatriesme may mil quatre cens trente et ung esté confinée en prison perpétuelle et le trentiesme dudict mois comme relapse esté exécutée à mort, sy est ce que ladicte sentence et exécution n'avoit pas effacé le lustre de ses vertuz ny faict restraindre ledict affranchissement, ce que l'on pouvoit congnoistre par l'histoire entière de sa procédure, laquelle avait est reveue par juges déléguez par Sa Saincteté et informations faicte(s) par gens non suspectz, en laquelle furent ouyz plusieurs princes et aultres personnages les plus signalez de ce royaulme, des actions et comportemens de ladicte Janne, et comme ladicte première proceddure avoit esté faiete par ceulx qui avoient achepté la vye de ladicte Janne la somme de dix mil livres et trois cens livres tournois de rente pour la faire mourir soubs promesse d'indampnité à luy (sic) donnée par les Anglois, fut ladicte première pruceddure par sentence rendue par lesdictz juges déléguez en l'an mil quatre cens cinquante cinq rompue, deschirée, adnulée et bruslée pour les erreurs, calompnies, impostures et injustices, fraudes et iniquitez y contenues, ladicte Janne, ses frères et parents déclarez innocens et sans aulcune marquc d'infamie pour l'égard des choses contenues en ladicte proceddure. Ladicte sentence non seulement publiée à deux fois, l'une à la procession générale, l'aultre au marché vieil de Rouen où elle avoit esté cxécutée, avec ung sermon et affixion d'une croix au mesme lieu pour perpétuelle mémoire du faict, mais aussy fut ladicte sentence publiée par les aultres villes de ce royaulme, ce qui contanta fort les bons subjectz du Roy, marriz des faulx bruictz semez par lesdictz Anglais contre Sa Majesté et contre l'intégrité et bonne vye de ladicte Janne, ainsy que l'on pouvait veoir par l'histoire générale de France de François de Belforest soubz le règne dudict feu Roy Charles septiesme, celle de monsieur du Tillet, Gaguyn, maistre Nicol Gilles, et aultres. Il ne failloit doncques que ledict demandeur en telle certitude feit le doubteux, et s'il prétendait que ce previlège eust esté révocqué, restrainct ou aultrement limité et modiffié, c'estoit à lui de dire ouvertement aultrement et jusques ad ce qu'il eust monstré du contraire, il debvoit avoir lieu. En se pourvoiant, ceulx qui estoient descenduz de ladicte Janne soit en ligne masculine ou féminine, ayde et service dudict previlège, ne faisoit au contraire la multitude des descendantz de ladicte parenté, car puisqu'il n'y avoit aucune limitation de nombre de personnes, de temps ou d'années que debvoit durer ledict previlège, mais qu'il estoit général et perpétuel pour toute la postérité de ladicte Janne, ses père, mère, frères et parentz et que ledict previlège estait favorable, il ne pouvoit et ne debvoit estre restrainct mais plustost ampliffé et eslargy.

Ce que ledict demandeur adjoustoit que ledict previlège s'entendait de ceux qui vivoient noblement et non de ceulx qui faisoient acte de roture, comme avaient faict les descendantz de ladicte parenté, n 'estoit soubz condition considérable. Car encores que les premiers ayeulx des deffendeur et joinctz ou aulcuns d'eulx eussent vescuz roturièrement, sy est ce que telz actes de rotures ne pouvaient effacer ledict previlege et ne pouvoient oster à leurs enffans ce qui estoit acquis par la vertu de leurs prédécesseurs. Mais ce procès n'estoit pas intenté pour la franchise des tailles pour de l'exemption desquelles il convient vivre noblement, mais du droict de jurée duquel les nobles roturiers jouissoient. Ledict demandeur seroit d'accord avec lesdictz deffendeur et joinctz que, en nostre bailliage et prevosté de Victry, se trouvoient deux sortes de nobles, les ungs vivantz noblement, les aultres roturièrement. Il conviendrait aussy que ceulx là qui estoient nobles qui estoient issuz de père ou mère nobles, et suffisoit que le père ou la mère fut noble, posé que l'aultre des conjoinctz fust non noble ou de serve condition, et tous telz nobles estoient exemptz dudict droict de bourgeoisie, non de taille touteffois.

Et puisque lesdictz deffendeur et joinctz ne contendoient pas icy pour l'exemption des tailles mais du dict droict de jurée, en vain ledict demandeur les voulloit renvoier au Roy pour avoir confirmation dudict previlège ou pour estre rehabilitez et relevez des actes de rotures que leur(s) prédécesseurs ou au1cuns d'eulx pouvoient avoir faict.

Il leur suffisoit de dire qu'il y ayt previlège de noblesse donné à leurs prédécesseurs et qu'ilz en estoient descenduz en ligne masculine ou féminine pour joyr des prérogatives et droictz attribuez aux nobles, signanlnent (sic) dudict droict de jurée, et lorsqu'ilz le vouldroient extendre à l'exemption des tailles ilz se pourveoiroient ainsy qu'il apartiendroit. Cependent puisque lesdictz deffendeur et joinctz faisoient apparoir dudict previlège et que ledict demandeur ne monstroit qu'il eust esté revocqué, ou sy ne disoit pas que lesdictz deffendeur et joinctz ou leurs prédécesseurs eussent esté sur les registres de la bourgeoisie et payé ledict droict, quelle apparence de les poursuyvre à présent et révocquer en doubte leur estat et condition noble et dont ilz estoient en possession immémorialle et paisible.

Ilz (sic) disoit que la noblesse qu'ilz pretendoient par vertu desdictes lettres et des plus belles dignitez de ce royaulme, sy elle estoit telle, comme véritablement ledict previlège leur estoit pour chose inestimable quare invidua est. Il leur vouloit tollir et oster une sy belle et sy riche dignité qui n'avoit pas esté acquise par argent ou faveur, mais pour faictz si généreux et héroïques que la mémoire en demeurait perpétuelle. Et en tant que touche les actes, atestations et déclarations, elles servoient pour monstrer la généalogie des parentz de ladicte Janne, ce qui debvoit estre receu pour leur antiquité, joinct que c'estoient instrumentz passez par devant notaires royaulx, grossoiez, tabellionnez et scellez, et lesquelz debvoient faire foy de ce qui y estoit contenu, comme aussi les aultres pièces produictes par lesdictz deffendeur et joinctz, contre lesquelles ledict demandeur n'avoit proposé contredicts, considérables. Emploient au pardessus lesdictz deffendeur et joinctz les salvations de droict et concluoient que, sans avoir égard ausdictz prétendus contredictz, foy soit adjoustée à leurdicte production litérale et en ce faisant leurs fins absolutoires adjugées.

Depuis tant auroit esté proceddé que lesdictes parties, par nostre appoinctement du dix huictiesme jour de mars mil cinq cens quatre vingtz cinq, auroient convenu en cause, consenty droict et jugement leur estre faict, et a esté sur lesdictz deffendeur et joinctz raporté leur procès après que ledict. demandeur aurait déclaré n'avoir aultre chose à raporter que son libel et contestation négative en complaingnant et ses contredictz estans au sacq desdictz deffendeur et joinctz, aurions dict que droict seroit faict à ce jourd'huy datté de ces présentes.

Sçavoir faisons que veu le procès meu et pendent pardevant nous entre le procureur du Roy demandeur en exécution d'une part, contre Pierre Pencheron, sergent royal en ce bailliage opposant, maistre Julles Cezar Lebesgue, conseiller du Roy et son advocat audict bailliage et siège présidial, Pierre Braulx à cause de damoiselle Charlotte Lebesgue sa femme demouraut à Chaalons, Estienne Leglayve, Estienne Marguyn, Jan Pencheron, Jan Blanchart, sergent royal, Jan Doumenge à cause de Janne Marguyn sa femme, Claude Chevalier ou nom et comme tuteur des enffans de luy et de feue Loyse Marguyn jadis sa femme, maistre Jan Deschamps, lieutenant en la prévosté de Victry et maistre Estienne Lefebvre, l'un des esleus en l'élection de Chaalons, joinctz avec ledict Pencheron d'aultre part, les escriptures et faictz de généalogie desdictz opposans, leur enqueste et production litéralle, contredictz et salvations à icelles, les appoinctemens réglantz le présent procès mesmement celuy du dix huictiesme de mars mil cinq cens quatre vingtz et cinq contenans lesdictes parties avoir conclud en cause et ordonné que le tout seroit veu pour faire droict. Le tout veu, Nous avons dict et disons qu'à tort et sans cause ledict demandeur a faict procedder par exécution sur ledict Pencheron pour le droict de bourgeoisie et jurée et qu'à bonne et juste cause il s'est opposé à ladicte exécution, l'avons partant renvoié ensemble les aultres opposantz joinctz avec ledict Pencheron des fins et conclusions prinses par ledict demandeur pour ledict droict de bourgeoisie et jurée, duquel droict avons déclaré lesdictz opposant et joinctz francs, quictes et exemptz pour et cause de leur noblesse et ordonné qu'ils seront mis hors des rooles des contribuables dudict droict, et ce nonobstant chose alléguée ou proposée par ledict procureur du Roy dont il est deboutté par nostre sentence, jugement et à droict. Et est le dictum signé J. Linage, président et lieutenant général, A. Decombles, lieutenant particulier, G. François, A. Pirard, Flamain, P. Priguet, P. Mensot, conseillers.

En tesmoing de ce, nous avons faict sceller ces présentes des scel et contresel dudict bailliage et icelles faict signer par le greffier ordinaire d'icelluy ou son commis. Qui furent faictes, rendues, données et prononcées audict procureur du Roy, comparant par maistre Claude Robert son substitut et ausdictz deffendeur et joinctz par maistre Pierre Bailly leur procureur, le seiziesme jour d'aoust mil cinq cens quatre vingtz et cinq.

Espices et vision six escus

Roussel

Sur le repli : 

Sentence de noblesse pour servir Jan Blanchart obtenue par ledict Blanchart avec Maistre Julles Caezar Lebesgue, advocat du Roy à Vitry le François et ses consortz. 1585

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