samedi 24 avril 2010

Lettre n°1 de Claude du Lys à Charles du Lys, 1609


Lettre de Claude du Lys à Charles du Lys, du 12 août 1609.

Monsieur,

Ayant eheu communication par les mains de Monsieur du Puits d’un mé­moire venant de vostre part, touchant la généalogie de la Pucelle, dont je suis descendu, j’ay par iceluy recogneu, Mon­sieur, l’honneur que j’ay de vous appartenir, et en ceste considération beaucoup regretté d’en avoir ignoré le bien, en quinze ou seize mois de séjour que j’ay fait à Paris, où j’eusse réputé à faveur singulière de pouvoir en personne vous offrir les voeux de mon bien humble service, les­quels je vous supplie très-humblement recepvoir autant agréables que ces lignes, comme dextreu­sement ils partent du mieux de mes plus sincères affections. Pour donc contribuer au contente­ment que souhaités en cette affaire, j’ai recueilly les fragments que le vice des guerres assidues en nostre pays de frontières n’avoit desrobé à la tradition de mes ancestres, lesquels néanmoins, pour avoir de tout temps esté recogneus directe­ment extraicts de ceste famille, jouy sans contro­verse des honneurs et prérogatives à elle conce­dées, et habité les lieux et maisons dont ladicte Pucelle estoit issue, ont apporté moins de curio­sité à contenter les desirs de leur poste rité en la no­tice de leur estat qu’il ne suffisoit à vous apporter une entière satisfaction. Quant aux père, mère et frère de la Pucelle, leurs noms et acheminement en France en la compagnie d’icelle leur soeur, nous en avons toute telle croyance que porte vostre susdit mémoire, ce que nous justifie un volume escrit à la main à nous laissé par tradi­tion et en idiôme latin, dans lequel sont recueillis à la diligence de Jehan, frère d’icelle la Pucelle, duquel nous sommes issus, les deux procédures intentées, tant à l’encontre d’elle à la poursuite des Anglois par devant l’évesque de Beauvais, et avant à cour de justice, que autre de révision poursuyvie à la diligence de Isabelle, mère, as­sistée de Jean et Pierre, ses enfants, frères de la dite Pucelle, le tout extraict des registres et cayiers originaux des ressorts où sont esté faic­tes les poursuyttes, et le volume estant in se­cundo espais de quatre doigts, où, tant par la déposition de plusieurs tesmoings, ouys des lieux mesmes de la naissance, que responses émises par elle, faictes aux interrogata qu’elle a subi, l’on collige une véritable certitude de son estre, ses mouvements à ses entreprises, ses progrès aux ar­mes, sa fin, l’iniquité du jugement contre elle rendu, par l’arrest subséquent donné à sa justifica­tion par les délégués de Sa Saincteté à la révision de son procès. Touchant ce qui concerne le séjour de Pierre et Jacques ou Jacquemin en France et establissement de leur demeure en aucunes pro­vinces d’icelle, notamment en Normandie, nous l’avons de tout temps sceu ; mesmes aucuns gen­tilshommes descendus du dict Jacques ont esté dans le pays et fait honneur à maints des nostres de les visiter et recognoistre à parents : comme j‘ay sceu par plusieurs personnes encore vivantes, et même d’une mienne tante résidant pour lors au lieu de Domremy ; lesquels sieurs, nommés de Mondreville et de Féron, laissèrent de leurs mains mémoire de leur résidence, que j’ai bien icy voulu rapporter, afin que la cognoissance d’i­ceux (si tant est que ne l'ayiez) vous peust donner plus ample notion de ce que desirés ; le mémoire en ces mots : " Le nom du seigneur parent de la Pucelle est Lucas du Chemin, sieur du Féron, de Mesny-Guillaume, Pommelly, la Haule, Brécy et Bonneuille. La residence du dit sieur est à Caen, en Normandie ; l’un des oncles dudit sieur qui est porteur de la charte s’appelle le baron de Tornebus, recep­veur des tailles pour le roy au dit pays, et son nom est Robert le Fournier. L’autre, son frère de père et de mère, s’appelle Charles Fournier, lieut. gé­néral du vicomté de Caen, tous deux frères, enfants de feu Jacques Fournier et de feu Marie de Vil­lebresmes, venue d’Orléans demeurer à Caen. Et a eu icelle Marie plusieurs filles, sçavoir : Fran­çoise, Marie, Charlotte, Jehanne et Barbe, et d’icelle Jehanne est issu le dict sieur de Feron ". Qu’est la teneur entière du dit mémoire, par le­quel il est facile de savoir quelle parenté a laissé le dit Jacques ou Jehan, tronc de nostre famille. Soit ou qu’il n’ait si largement ressenti les fruits de la bonne fortune et de la faveur, ou que la mesme fortune ait plus grassement distribué ses dons au progrès de la maison, comme la vertu en avoit dignement eslevé le principe, a laissé à ses suc­cesseurs moins de biens que d’honneur, assés néantmoins pour maintenir en nostre branche le rang que le mérite de la soeur nous avoit acquis, qui nous a tousjours esté afféré aux lieux où ceux de nostre famille ont residé, tant en France qu’en Lorraine. Aussy avons-nous la charte d’a­noblissement, pour nous extraicte de l’original par notaire de la ville d’Orléans, à la diligence de nos prédécesseurs, en l'année mil quatre cent soixante et douze, en laquelle, conformément à un vieil mémoire que j’ay recouvert de nostre descente, elle est nommée Jeanne Day, auquel mot a esté, par la corruption du langage (lequel est assés grossier en nostre climat), adjouté une ou deux l en sorte que les uns se sont nommés Daly par une l simple, les autres deux l : Dally ; erreur en ce cas émanée (à mon advis) du peu de curiosité qu’ils ont eue à en observer l’ortho­graphe, ayant tous esté gens de guerre, sans cog­noissance des lettres, fors ung, lequel, ayant esté prestre, curé de Domremy, j’ay trouvé en quel­ques lettres d’acquits par luy faicts qu’il se nomme du Lys, et de faict m’a-t-on affirmé avoir veu aucuns siens escrits latins, ès quels il se nommoit Claudius a Lilio, ce qui donne quel­que vraisemblance à l’opinion que rapportés en vostre mémoire de Dally à du Lys. Jean Day, donc, frère de la Pucelle, ainsy que dient les anciens mémoires que j’ay recouverts (la disgrâce des troubles nous ayant apporté la perte de tous nos titres), laissa Anne et Didon Day, ses filles, en outre desquelles laissa messire Claude Daly ou du Lys, prestre curé de Domremy, et Didier Daly, gendarme de la compagnie de M. de Guise. Ledit Didier laissa 4 fils et 5 filles :

Claude, Anthoine, Nicolas, François, et duquel Anthoine, lieutenant de l’artillerie de Son Altesse de Lorraine, je suis issu. Quant aux armes, bien que les lettres d’octroy ne se trouvent, néantmoins les avons nous tousjours portées en la mesme sorte que vostre mémoire les dépeint, à tymbre ouvert et grillé, et ainsy se voient elles en plusieurs endroits, mesme en l’esglise Saint­Georges de Nancy, ville capitale du duché de Lorraine, sur la sépulture d’un mien oncle, de­cedé au dit Nancy, estant enseigne de feu Monsieur le Comte de Salm, son maistre d'hotel et capitaine de ses arquebusiers à cheval. Plusieurs personnes dans le pays ont souhaité de se faire croire descen­dans de ceste maison, entre autres M. Hordal, professeur de droit en l’université du Pont-à­-Mousson, et ce Jehan Royer duquel votre mé­moire fait mention. Mais ce n’a esté que par l’al­liance qu’ils ont eue en la famille, en laquelle ne restoit plus de masles, synon un mien frère aisné, marié en Lorraine, à la fille du lieutenant des gardes de Son Altesse, et moy, qui me suis habitué au lieu de Vaucouleur. L’ung et l’autre égaux en l’extremité d’ung très affectionné désir de vous tesmoigner combien nous est grand l’honneur de vous appartenir, lequel nous accompagnerons de tant de voeux à l’occasion qu’elle nous four­nira quelque sujet condigne à mériter la qua­lité de, Monsieur, votre humble serviteur,

C. Dally

A Veaucouleurs, ce 12 d'aoust 1609.

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