samedi 24 avril 2010

Lettre n°3 de Jean I Hordal à Charles du Lys, 1611


Autre lettre, du même au même, du 2 avril 1611.

Monsieur,


Pour vallablement m’excuser d’avoir tant tardé à vous rescrire, je vous prieroy de croire que depuis plu­sieurs mois n’ay cessé, aux heures qu’ay peu desrober à l’exercice de ma charge et àplusieurs autres affaires qu’ay ordinairement, de rechercher auprès d’une infinité de bons autheurs, jour et nuict, et non seulement en ceste ville, mais en d'autres, ce qui peut appartenir à l’his­toire de la vertueuse Pucelle d’Orléans, nostre bonne parente. Et à rayson de mes peines, veilles et travaux, et pour avoir négligé tout exercice selon ses desmérites et à l’exemple d’autres : si ce n’est qu’il soit dict : mortuo non esse detrahen­dum : lequel Cochon j’ay leu avoir esté excom­munié pour son injustice par le Pape Calixte, en la Description de la France, faicte par le sieur des Rues, parlant de la fondation de Compiègne, fol. 174.

Et d’autant que par vos pénultiesmes me priés d’uzer mutuellement d’une liberté entière et sans cérémonies, je vous diray que Monsieur le grand doyen de l’Eglise de Toul, mon cousin, person­nage vénérable et véritable, aagé de 8o ans ou en­viron, et trois autres miens cousins, chanoines au dict Toul, et moy, sommes grandement es­tonnés et extrêmement marrys que révoquiés en doute que soyons sortis de Hauvy, fille de Pierre d’Arc, troisiesme frère de la dicte Pucelle : et la­quelle Hauvy fut mariée à Estienne Hordal, des­quels sommes descendus, comme souvent vous ay escry. Veu que ce est la mesme verité que cela et que vous en ay juré en homme d’honneur par mes dernières. Une fois pour toutes, proteste devant Dieu, que receus avanthier faisant mes Pasques, par sa saincte grâce et miséricorde, et jure sur la damnation de mon âme que ce que vous ay escry de nostre extraction de la dicte Hauvy, fille de Pierre d’Arc, et d’Estienne Hordal (que Dieu absolve), dont nous sommes descendus en légitime mariage, est selon ma conscience et la tradition que nous en avons eue, indubitable­ment de nos prédécesseurs, et comme je prétends l’avoir verifié par l'enqueste qui en a esté faicte, lorsqu’obtins de feu Son Altesse de Lorraine, d’heureuse mémoire, déclaration d’ancienne no­blesse, avec permission de porter les armoiries de la dicte Pucelle. Et n’eusse jamais obtenu la dicte permission, si je n’eusse faict paroistre les Hor­dals estre du parenté de ladicte Pucelle, c’est à sçavoir descendus du 3ème frère d’icelle, qui eut une fille appelée Hauvy, mariée au dict Estienne Hor­dal, à Buré proche de Vaucouleurs.

Et bien que le dict Pierre ayt esté en France avec sa soeur, tant avant sa mort qu’après, vous escrivis, et c’est la verité, ne s’ensuit pas qu’il n’aye pas esté marié en Lorraine et qu’ayant eu la dicte Hauvy qui auroit demeuré en Lorraine, il ne s’en soit allé en France avec sa femme ; aussy nedesignés vous pas qu’il se soit marié en France. Que si il s’y est marié, la mère de Hauvy estant morte, il faut conclure que Messieurs du Lis sont descendus du second mariage du dict Pierre en ligne masculine et les Hordal du premier ma­riage en ligne féminine. En somme, il conste que le dict Pierre a esté marié au dict Buré, soit devant la mort de la Pucelle, soit après. Et de faict, entre la dicte mort et justification de la dicte Pucelle il y a eu 25 ans, pendant lesquels il au­roit peu se marier en Lorraine ; car un mariage est bientost faict et consommé. Et depuis, sa pre­mière femme estant morte en Lorraine, en auroit espousé une autre en France, dont estes descen­dus, comme je vous ay escry en mes dernières. Et comme depuis quelques mois avois prié un mien amy, homme d’honneur et d’authorité et de grand sçavoir, de s’informer à Vaucouleurs de la généalogie des frères de la Pucelle et spé­cialement de Pierre, son 3ème frère, il luy fut rendu par plusieurs personnes qualifiées qu’il n’y avoit personne en Lorraine qui en sceut plus que moy à rayson de l’enqueste qui en avoit esté faicte à ma poursuite et à mes frays. Et sy vous asseure que depuis 4 ou 5 mois un gentilhomme de ces quartiers, mon amy, m’a envoyé une copie sem­blable aux trois que m'avez envoyées et m' escri­voit qu’il s’estonnoit que nous y estions obmis. Le mesme m’a esté dict par un mien amy de robe longue et qu’il vous en falloit advenir pour y re­médier, iceux estimants que ne vous en avais es­cry. Pour mon regard, il n’y a pas d’intérest pour la Lorraine, à cause que suys bien cogneu estre du parenté de la Pucelle par le moyen de son 3ème frère et de sa niepse Hauvy, mariée à Estienne Hordal, comme j’en ay des patentes expresses avec le grand sceau de feue sa dicte Altesse de Lorraine, mais eu esgard à Messieurs de nostre parenté de Normandie, qui estimeront qu’en Lor­raine il n’y a d’autres parents de la Pucelle que ceux qui sont contenus en l’extraction qu’en avés dressée et que leur avés envoyée, comme il appert par les lettres de Monsieur de Troismonts, si ce n’est qu’il vous plaise y remédier, si tant estoit que changiez quelque chose en la dicte extraction, y adjoutant ou diminuant. Ce que, s’il advenoit, pou rriés mettre, s’il vous plaist, et avec vérité et conscience (car autrement je ne parletoy ny es­criroy jamais ; contra quam conscientiam qui facit, œdificat ad gehennam : cap. Iras de rest. spot.) :

« que du mariage du dict Pierre d’Arc, contracte à Buré proche de Vaucouleurs, il y auroit eu une fille nommée Hauvy qui auroit esté mariée àEstienne Hordal, duquel mariage sont issus ceux qui en Lorraine se sont appelés Hordal, ou sont extraits de femmes portant le nom de Hordal ». Ce que vous asseure sur les mesmes protestations et serments que vous ay escry cy dessus, que si cela estoit faulx ne voudrois faire telle protesta­tion et serment pour tous les empires et royaumes qui sont au monde. Au demeurant, puisque me conjurés d’adjouter ou changer ce que je trouve­ray pertinent à l’extraction qu’avés faict impri­mer, bien que j’aymerois mieux verbis dictis et scri ptis adstipulari et suffragari quam adv ersari seu refragari, toutefois, pour vous satisfaire, je vous envoie une copie où j’ay adjouté ce qu’ay trouvé bon (sauf meilleur advis) pour le présent.

Touchant les autres points de vos lettres, j’y ré­pondray quelque autre fois, ne pouvant pour le présent, faute de loysir, et non de très bonne vo­lonté en vostre endroit, vous remerciant, au reste, de toutes vos offres honorables et courtoysies, me réservant de vous en rendre actions de grâces plus amples, lorsque j’auray l’honneur et le bonheur de jouyr de vostre présence, et d’aussy bon coeur que vous baize très humblement les mains, à Ma­demoizelle vostre femme, à Monsieur vostre fils, à Monsieur le Conseiller, à Mademoizelle vostre fille, à Monsieur de Roully et tous autres du pa­rentage, et que suis, Monsieur, votre très humble et très affectionné serviteur et parent,

Hordal.

De nostre maison au Pont-à-Mousson, ce 2 d'Apvril 1611.


P.S. : M. le R. P. Chastelier, docte Jésuiste mien amy, chancelier de l’Université du Pont-à­Mousson, s’est bien voulu charger des présentes pour me faire playsir et avoir occasion de vous aller faire la révérence et vous saluer de ma part.

Finablement, je suis fort ayse que les lettres qu’ay envoyées à M. de la Saussaye luy soient esté agréables. Par sa réponse, que j’ay reçue par le moyen de vostre grâce, il m’escrit en ces termes :

Hoc vero dicam nihil mihi accuratius visum quam ita te accurate ad me de gentili vestrâ Johannâ puellâ Franciae rescripsisse. Litteras tuas mihi reddidit D. du Lys quas ita facio ut plu­ris nullas. Interea vero dum annales ecclesiae nos­trae refero, meminero suo loco tibi gra tias referre de tuo munere singulari. Et ajoute : Si quid praete­rea fueris nactus quod faciat ad rerum Aurelia­narum historiam, cujus ad te mitto tabellam, rem mihi gratissimam feceris si me admonueris. Vale, nobilissime doctor, et me labores que meos complectare.

Je désirerais luy satisfaire en cela et en toutes autres choses, mais, pour le présent, il n’y a moyen, que n’aye du tout paraschevé l’histoire qu’ay entreprise, vous suppliant à vostre commo­dité luy présenter mes recommandations et l’as­seurer que je luy suis fort affectionné serviteur. Je vous renvoye aussi, selon vos lettres, les ex­traicts de la Chambre des comptes.

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